Sébastien Godefroy

Une photographie sensible au service de l’humain

« Je nai cessé de constater que les photographies que je réalisais aujourdhui de ces personnes mal-logées auraient pu être faîtes il y a 100 ans »

Sébastien Godefroy est photographe. Ses clichés parlent de l’humain, de l’intime, de liens. Ses portraits naturels et lumineux racontent la vie à l’œuvre à un moment précis. De 2016 à 2018, il met son talent au service d’une problématique encore très présente en France, le mal-logement. Durant plusieurs mois, il parcourt le pays, allant de foyers en foyers, suivant des jeunes pour témoigner, pour raconter cette crise du logement et comment elle impacte ceux qui y sont confrontés. Au travers de ses reportages photos, un récit franc et sensible se dessine, nous exposant la réalité du mal-logement en France. Parallèlement, il suit l’élite mondiale du plongeon. Entre fascination et curiosité, il a su capter l’exigence, la concentration mais aussi le doute et la routine de la peur, l’incroyable soustraction des athlètes de haut niveau. Chaque reportage semble sous-tendre une volonté : celle de changer le regard que la société porte sur des femmes et des hommes, une thématique.

Il a récemment accepté de répondre à nos questions et nous en sommes ravies !

Bonjour Sébastien,

 

Votre travail est impressionnant par la manière dont il parvient à révéler lhumanité dans sa plus grande intimité. Comment travaillez-vous pour réussir à transmettre cette sincérité des émotions dans des contextes parfois si différents et si difficiles ?

 

Je travaille depuis plus de 25 ans dans le domaine de la photographie sociale. J’essaie toujours de trouver la bonne distance entre mon sujet et moi. Je ne parle pas ici d’une distance physique, mais bien d’un rapport équilibré à l’autre. Plus le temps passe et plus je découvre que la photographie, telle que j’aime la pratiquer est plus un art de l’écoute que du regard.

 

Comment choisissez-vous vos sujets ?

 

C’est toujours la curiosité qui me pousse à aller à la rencontre des autres. Dans le cadre de mes reportages sociaux, au-delà de cette curiosité, il y’a aussi l’envie de documenter une époque. Plus personnellement, venant d’un milieu modeste, je cherche à questionner les mécanismes qui régissent le IN et le OUT de notre société de consommation.

 

© Sébastien Godefroy

Quand et pourquoi avez-vous décidé de voyager pour documenter le mal-logement en France ?

 

Tout a commencé par le désir de prendre la route et de capter une image de la France. Il y a eu également l’envie de m’essayer à une autre photographie en oubliant un temps mes automatismes, en renouant avec une tradition de la photographie documentaire, avec la volonté de prendre le temps d’aller à la rencontre et d’écouter ceux qui souffrent.

Pour ce faire, durant le mois de juillet 2016, j’ai traversé la France à vélo. Utilisant un appareil photographique rudimentaire, objet d’une autre époque, je n’ai cessé de constater que les photographies que je réalisais aujourd’hui de ces personnes vivant dans la misère auraient pu être faites il y a 100 ans. Hélas.

 

Comment avez-vous vécu cette aventure humaine ?

 

Je pensais être aguerri à ces problématiques de mal-logement, mais cette plongée m’a impressionné à deux titres. J’ai pu tout d’abord constater que ce problème de mal-logement était plus massif et plus large que je ne l’imaginais. D’un autre côté et pour la première fois de ma carrière, j’ai mesuré la capacité de résistance des personnes que j’ai croisées et j’ai pu saluer leur combat.

 

© Sébastien Godefroy

Parallèlement, vous suiviez l’élite mondiale du plongeon. Comment ses deux sujets cohabitaient-ils dans votre approche et dans votre quotidien ?

 

Au départ, j’ai pris contact avec l’équipe de France de plongeon car je préparais un film en tant que chef opérateur sur le milieu du plongeon professionnel. N’étant pas un photographe de sport, très vite, j’ai oublié l’exploit que représentait un saut à 10 mètres et je me suis alors concentré sur les moments d’attente avant ce plongeon. Ces instants m’ont renvoyé à mes angoisses d’enfant lorsque, devant toute ma classe, je devais me jeter à l’eau. Cette solitude face au défi je l’ai vue chez ces plongeurs comme dans ces familles face aux difficultés à se loger dignement.

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J’essaie toujours de trouver la bonne distance entre mon sujet et moi. Je ne parle pas ici d’une distance physique, mais bien d’un rapport équilibré à l’autre.

Quelles difficultés et/ou quelles surprises avez-vous rencontrées durant vos reportages ?

 

Ce qui est parfois pour moi une difficulté reste la pudeur des personnes à se livrer lors de nos prises de vues. D’un autre côté je reste surpris par leur capacité de résistance face à ce qui, pour moi, ressemble à une montagne de difficultés. Je reste interdit par leur art de contourner ces obstacles et de vivre malgré tout.

 

Aujourd’hui, avez-vous d’autres projets en cours ou en tête ?

 

J’ai plusieurs projets.

Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui je veux de plus en plus donner la parole aux gens en les intégrant, non seulement comme modèle à mes images, mais aussi tenter de les faire participer au processus de création. En 2018 j’ai participé à l’exposition collective Habitarium à la Condition Publique (Roubaix) et y ai présenté une œuvre d’art vidéo « l’image n’est rien ». C’était un travail de recherche sur l’amour et le mal-logement. La vidéo présentée était un vrai travail collectif : un diaporama de mes photographies commenté par le couple de personnes sans papier que j’ai suivi pendant plus de 6 mois dans leur quotidien.

 

Merci Sébastien pour vos réponses !

© Sébastien Godefroy