Romain Beaucher

La pratique du vélo, un véritable atout pour l’entreprise

Le vélo est pour nous l’une des conditions essentielles de santé au travail et de bien-être en entreprise

Le M.E.V.A, le Mouvement des Employeurs à Vélo Ajouté, est un regroupement patronal qui milite pour que tout salarié puisse pédaler jusqu’à son lieu de travail, ses rendez-vous professionnels et tout autre déplacement lié à son activité dans les meilleures conditions de sécurité et de plaisir possibles. Pour le M.E.V.A, la cyclabilité des villes est aussi un enjeu de productivité et de compétitivité des organisations. Avant tout source de plaisir, de satisfaction personnelle, de réaffectation vertueuse de l’espace public et de mutation vers des mobilités plus durables, le vélo est aussi un facteur de production. Les membres du M.E.V.A s’engagent à dialoguer avec les acteurs publics en faveur du développement d’infrastructures dédiées à la sécurité des cyclistes et de systèmes favorisant la pratique des mobilités douces dans le cadre professionnel. Romain Beaucher, l’un de ses cofondateurs au nom de l’agence de design Vraiment Vraiment, a répondu à nos questions.

Bonjour Romain,

 

Pourquoi avoir créé le M.E.V.A ?

 

Ça s’est fait en deux temps. L’idée d’une telle initiative a d’abord germé en janvier 2020. Sur l’outil de messagerie que nous partageons avec Datactivist, nous avons partagé en une seule semaine plusieurs incidents arrivés à des salarié.e.s en vélo – incidents, coup de stress, vol…Une sorte de « semaine noire », qui a été le déclencheur. Nous avons alors débuté une réflexion sur ce que nous, employeurs, pouvions faire en matière de sécurité ou d’équipements pour faciliter les déplacements à vélo de nos équipes, avec l’idée d’élargir la dynamique à tous les dirigeants qui le souhaitent qu’ils dirigent de petites, moyennes ou grandes entreprises.

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Aujourd’hui, lorsqu’un salarié prend sa voiture personnelle pour une mission professionnelle, il est couvert par l’assurance de l’entreprise.  Ce n’est pas le cas s’il réalise ce même trajet à vélo.

Avec l’arrivée du confinement, la dynamique a été un peu mise en sommeil. Jusqu’à ce qu’en mai 2020, un article du Monde documente l’abandon du caractère obligatoire, dans la loi LOM (Loi d’Orientations des Mobilités), du financement par les employeurs d’un Forfait Mobilité Durable, sous la pression… du MEDEF. Au nom des employeurs, de la compétitivité des entreprises, bla bla. En notre nom, donc, quelque part ! Nous avons alors ressorti le MEVA des tiroirs, pour porter la parole de tous les employeurs qui se positionnent aux antipodes de la position du MEDEF, convaincus du rôle du vélo dans l’entreprise, comme vecteur de compétitivité, de bien vivre et de bien-être.

 

Le Bon Coin, Spintank, Pix, Waoup… beaucoup d’acteurs nous ont suivi dès le lancement du manifeste du M.E.V.A sur une simple page web. Une première session de travail a été organisée en juillet 2020, un peu à l’arrache, pour faire connaissance et définir quelques sujets prioritaires. Aujourd’hui, il y a 122 organisations membres, de toute taille et réparties un peu partout en France, représentant 12 800 salariés dont un peu moins de 1500 cyclistes.  Nous nous tenons prêts à porter la parole des employeurs pour qui le vélo est aussi un facteur de compétitivité !

Concrètement, qu’est-ce que fait M.E.V.A ?

 

Le MEVA est une structure légère, animée par Vraiment Vraiment et Datactivist en plus de nos métiers. Lors de la première session de travail, nous avons lancé quelques chantiers, dont une enquête menée avec des étudiants de Sciences Po Aix sur les avantages du vélo dans les contextes professionnels. Il s’agit d’une enquête à la fois quantitative, puisqu’elle est articulée sur un panel représentatif de 350 à 400 personnes interrogées sur leurs pratiques, et qualitative, avec des portraits et entretiens. L’équipe de Sciences Po Aix a super bien travaillé, l’enquête sera bientôt publiée.

 

Nous avons un autre sujet sur les assurances. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié prend sa voiture personnelle pour une mission professionnelle, il est couvert par l’assurance de l’entreprise.  Ce n’est pas le cas s’il réalise ce même trajet à vélo. Or, le prix moyen d’un vélo s’envolant, ce n’est pas neutre… Nous sommes notamment en discussion avec un grand assureur mutualiste pour voir comment changer ça.

 

Dans un deuxième temps, nous mènerons probablement une étude participative sur les irritants et dangers rencontrés par les cyclistes dans le cadre de leur travail, à des fins de plaidoyer.

 

Une cellule de veille et un forum sur lesquels nous partageons les bonnes pratiques ont enfin été mis en place.

 

Comment les employeurs peuvent-ils concrètement faire bouger les lignes ?

 

Un employeur peut mettre en place une multitude de petites et grandes initiatives pour favoriser les déplacements à vélo, ou s’assurer de limiter la casse lors d’accidents, en travaillant sur la sécurité.  Un employeur peut ainsi proposer des sessions de réparation ou d’entretien des vélos, proposer des vélos de fonction, le paiement du forfait « mobilités durables »… Il y a aussi souvent des problèmes de stationnement sur le lieu de travail, un sujet qui provoque souvent des tensions. Il y a des actions à mettre en place sur ce point précis, en lien avec les collectivités locales. Un employeur peut permettre aux salariés de réaliser des stages pour rassurer, organiser des balades urbaines, des formations sur la sécurité et les bonnes habitudes à prendre dans les grandes villes.

 

Nous pouvons également faire bouger les lignes en nous organisant pour défendre les bons messages auprès des acteurs publics ou acteurs décisionnaires en matière d’équipements à l’échelle de la ville, du quartier, de la copropriété, etc… Le plaidoyer est d’autant plus fort et efficace lorsqu’on porte une parole commune. Et puisque les paroles d’employeurs sont souvent écoutées, en ce moment, autant en profiter pour faire passer d’autres messages que ceux du patronat du XXème siècle…

Le vélo peut-il concrètement impacter le bilan de l’entreprise ?

 

Le lien entre compétitivité et modes de déplacement doux est à ce jour, une observation, une intuition. En France il n’y a pas beaucoup de littérature scientifique sur le sujet. Nous essayons donc de la développer en réalisant des enquêtes et études qui prouveront scientifiquement le temps gagné entre les rendez-vous, l’impact sur la cohésion et l’esprit d’équipe, son rôle de vecteur de culture et d’identité d’entreprise.

 

Ces démonstrations scientifiques renforceront notre plaidoyer et vont pouvoir concourir à une exemplarité mesurée entre les différentes villes.

 

Les grèves puis les aménagements « Covid » semblent avoir accélérer la transition vers des mobilités douces en multipliant les cyclistes en ville ? Quel bilan en retirez-vous ?

 

Nous avons observé l’apparition d’enfants sur les pistes cyclables à Paris ou encore la multiplication des vélos électriques. Des conducteurs de deux-roues motorisés sont passés au vélo électrique. C’est une bonne nouvelle.

 

Il y a eu un vrai changement à Paris. A l’encontre de ce qu’en disaient les grincheux, même sous la pluie et dans le froid de l’hiver, les cyclistes sont toujours là, nombreux. L’argument « on en reparle quand ce sera l’hiver » perd de son mordant. Nous sentons que les choses s’inversent un peu sur la chaussée où la solidarité entre cyclistes se développe et la supériorité du conducteur automobile sur les cyclistes est moins omniprésente (ça ne vaut pas dans toutes les villes…). Ce qui n’est, d’ailleurs, pas encore le cas pour les piétons, qui sont un peu la dernière roue du carrosse en termes d’aménagements et d’attention, dans une ville comme Paris par exemple. Après, les Datactivist sont pour beaucoup installés dans la Métropole d’Aix-Marseille, et là, en matière de vélo, c’est une autre histoire. Il reste du chemin !

Quels freins subsistent encore à l’usage du vélo pour les salariés selon vous ?

 

La FUB (Fédération française des Usagers de la Bicyclette) fait régulièrement un état des lieux sur ces freins. Il me semble que les plus prégnants restent la question de la sécurité et les craintes qui lui sont liées, les équipements (publics ou privés) et les équipements sanitaires au bureau (il n’y a pas de douche dans tous les bureaux) ou enfin, le vol.

 

Quelles sont les prochaines étapes pour M.E.V.A ?

 

Nous publierons cette année l’étude en cours sur le lien entre compétitivité et déplacement à vélo. Nous espérons pouvoir organiser une réunion physique des membres de M.E.V.A, voir éclore le projet d’assurance des trajets domicile-travail à vélo. Nous allons également repartir en campagne pour encourager des employeurs à rejoindre le mouvement.

 

Merci pour vos réponses !