Ophélie Vanbremeersch

Quand optique rime avec éthique

En France 110 millions de lunettes sont inutilisées, Les Lunettes de Zac collecte, reconditionne et sauve ces lunettes oubliées. À l’origine de cette start-up sa fondatrice Ophélie Vanbremeersch, l’histoire d’Ophélie a débuté lorsqu’elle a eu la simple idée de redonner vie à d’anciennes lunettes. Une idée qui a germé alors qu’elle était encore lycéenne, cette idée, apparemment toute simple, ne l’a jamais quittée et a fini par prendre forme au début de ses études en commerce.

Son projet a évolué lentement mais sûrement, tout en lui permettant de continuer ses études. Ophélie s’est également associée à Vitamine T, une entreprise de réinsertion à Lesquin (Nord) qui emploie des personnes en réinsertion professionnelle. En 2020, Les Lunettes de ZAC, nommées d’après le nom d’artiste de sa mère, ont officiellement vu le jour.

Les Lunettes de ZAC, c’est l’art de redonner une seconde vie à d’anciennes lunettes. Ce processus de reconditionnement permet de réduire la fabrication de nouvelles montures, réduisant ainsi son impact environnemental tout en proposant des produits de qualité.

Bonjour Ophélie,

 

Quel a été le moment décisif qui vous a poussée à concrétiser votre projet ?

 

Le moment décisif qui m’a conduit à créer Les lunettes de ZAC a été ma première année d’étude supérieure au cours de laquelle je devais réaliser un business plan sur un projet. J’ai mis à profit cette opportunité pour préparer ma société. Mais je portais ce projet entrepreneurial depuis longtemps. Sachant que je suis très myope, je me suis posé assez tôt la question de savoir ce que devenaient les anciennes paires de lunettes qui s’empilaient dans nos tiroirs. De plus, les valeurs sociales et environnementales de la société étaient très présentes dans ma famille. J’ai aussi été sensibilisée très jeune aux situations du handicap dont l’une de mes tantes étaient victimes. Enfin, le décès de ma mère lorsque j’avais 17 ans, suite à un cancer qui a duré 10 ans, m’a enseigné que la vie était courte et que rien de pire ne pouvait m’arriver. Créer mon entreprise et me lancer à fond dans ce projet m’ont aidée à surmonter cette épreuve et me construire.

 

 

© Les Lunettes de ZAC

Pourriez-vous nous donner un aperçu de l’impact environnemental positif que votre entreprise a réalisé jusqu’à présent ?

 

De manière très concrète, nous avons collecté en 2024 en France 60 000 paires de lunettes par mois, soit depuis le début de l’activité en 2021 plus de 300 000 paires. Nous disposons désormais de 1 500 lieux de collecte partout en France (magasins d’optique, écoles…). L’impact environnemental positif de notre modèle repose aussi sur le reconditionnement local des lunettes usagées. Ce dernier s’effectue pour l’instant uniquement dans le Nord. Pour ce faire, nous fonctionnons avec une entreprise d’inclusion, Vitamine T dont une dizaine de personnes en réinsertion travaillent pour Les lunettes de ZAC. C’est un véritable choix sociétal de ma part. A plus long terme, nous espérons développer des lieux de reconditionnement proches des lieux de collecte partout en France.

 

 

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Je me suis posé assez tôt la question de savoir ce que devenaient les anciennes paires de lunettes qui s’empilaient dans nos tiroirs

© Les Lunettes de ZAC

Comment choisissez-vous les partenaires et les opticiens avec lesquels vous collaborez pour collecter des lunettes ?

 

Il est assez facile d’impliquer les gens à l’intérêt de donner une seconde vie aux lunettes dont on ne se sert plus. Les opticiens déjà sensibilisés à une démarche de durabilité viennent spontanément nous solliciter.

 

Les personnes en situation de handicap jouent un rôle essentiel dans votre entreprise. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre collaboration avec Vitamine T et comment cela contribue à votre mission ?

 

Travaillez avec un sous-traitant qui permet à des personnes en situation de handicap ou qui font face à des difficultés d’insertion diverses était une évidence pour moi au regard de ce que j’ai vécu dans ma famille. Nous avons choisi de travailler avec Vitamine T qui nous avait été recommandée, car ses collaborateurs sont très flexibles et proactifs. Ils cherchent des solutions face à un problème et sont capables de monter en compétence au fur et à mesure des besoins.

 

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Travaillez avec un sous-traitant qui permet à des personnes en situation de handicap ou qui font face à des difficultés d’insertion diverses était une évidence pour moi

Quelles sont les tendances actuelles en matière de lunetterie durable ?

 

Les choses n’avancent pas aussi vite que je le souhaiterais. En effet, nous avons vendu 1 500 paires de lunettes en 2024 dans 350 magasins dont une centaine de corners situés dans des bureaux de poste, grâce à un partenariat exclusif que nous avons remporté avec La Poste début février 2025 afin de tester la vente de loupes (25 euros) et de solaires (45 euros en moyenne) reconditionnés. Le problème est essentiellement économique puisqu’il n’est pas encore possible d’obtenir partout en France le même niveau de remboursement pour des lunettes reconditionnées et des neuves, alors que cela fonctionne dans les Hauts de France. Cela impacte considérablement notre développement. Mais j’ai bon espoir que cela s’améliore dans les prochains mois. Au niveau national, nous ne vendons pour l’instant que du solaire qui présente un prix d’origine suffisamment élevé nous permettant de les revendre à un prix tenable économiquement. C’est une aberration alors que nous collectons majoritairement de l’optique.

 

 

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Je suis convaincue que les marques qui fonctionneront écologiquement auront un impact économique parce qu’elles permettront aux gens de moins se priver malgré la baisse de leur pouvoir d’achat

Pourquoi pensez-vous que la durabilité et l’upcycling sont de plus en plus importantes pour les consommateurs ?

 

Ce sont des tendances de fond auxquelles je souscris totalement. Je suis convaincue que les marques qui fonctionneront écologiquement auront un impact économique parce qu’elles permettront aux gens de moins se priver malgré la baisse de leur pouvoir d’achat. Les produits de type seconde main et reconditionnés lient à la fois l’écologie et l’économie. Ce que je mets en pratique dans mon entreprise l’est aussi dans ma vie quotidienne. Ainsi, je loue la plupart de mes vêtements sur la plateforme « Le closet ». Pour l’ameublement, j’achète sur les aubaines de La Redoute et pour la nourriture, je suis extrêmement vigilante sur la qualité des aliments. La seconde main et le reconditionné répondent à des attentes tant écologiques qu’économiques.

 

Quels sont vos projets futurs pour Les Lunettes de ZAC ? Avez-vous des plans d’expansion ou de nouveaux services à venir ?

 

Je sors d’une situation complexe car j’ai racheté les parts de mon associé. Aujourd’hui, mon principal projet est d’arriver à boucler une levée de fonds, pour développer l’activité dans des corners notamment dans des magasins qui proposent des articles reconditionnés. Il ne s’agit par réellement d’un nouveau service, mais plutôt d’un levier pour consolider et booster l’activité.

 

 

© Les Lunettes de ZAC

Quel message ou conseil aimeriez-vous partager avec d’autres jeunes entrepreneurs qui comme vous aspirent à créer des entreprises ayant un impact environnemental positif ?

 

Le principal message que je voudrais transmettre est de ne jamais perdre de vue que pour durer une entreprise doit être rentable et pour ce faire il convient de s’assurer que le produit ou l’activité que vous envisagez de vendre réponde à un vrai besoin. Ensuite, pour créer et diriger une entreprise, il faut être capable de tout gérer (communication, finance, logistique, ressource humaine…), ce qui ne coule vraiment pas de source. Si se former auprès d’une école de commerce donne des bases, c’est réellement en faisant que l’on apprend.