Anna Perehinec

Face à la COVID-19, participer à l’action collective

Anna Perehinec est chargée de projet urbain chez Bouygues Immobilier. Elle participe à la conception des villes de demain. Un poste à responsabilités qui requiert beaucoup d’investissement. Pourtant, lorsque la crise sanitaire liée à la Covid-19 a éclaté, elle n’a pas hésité à s’engager comme bénévole auprès de l’AP-HP. Un engagement qui demande de l’organisation puisqu’elle cumule alors travail et bénévolat de front. Son objectif : mettre son expertise au service d’associations et d’agir positivement au milieu de la crise. Malgré son emploi du temps assez chargé, Anna a accepté de répondre aux Grandes Idées.

Bonjour Anna,

 

Pourquoi avez-vous pris la décision de vous engager auprès de l’AP-HP ? Pouvez-vous décrire le processus que vous avez suivi pour travailler aux côtés des Hôpitaux de Paris ?

J’ai eu cette volonté dès le début de la crise quand nous nous sommes tous retrouvés brutalement confinés, en télétravail sans visibilité réelle sur la période de crise que nous vivions. J’ai pris conscience que mon métier, tout le travail que je fais au quotidien, n’aurait plus de sens si les chantiers et l’activité économique cessaient. Pour moi, le meilleur moyen d’agir était de rejoindre ceux qui travaillaient pour nous protéger et lutter contre ce virus.

Des membres de ma famille et des amis proches travaillent en milieu hospitalier. En voyant la crise qu’ils traversaient, je me suis dit que l’on devait et pouvait tous aider.

Au début on se demande ce qu’on peut faire avec nos moyens, notre temps…Je n’ai pas commencé tout de suite avec l’AP-HP. Au départ, je faisais essentiellement de l’aide aux devoirs, des maraudes pour porter de l’aide aux sans-abris. Puis j’ai été mise en relation avec un médecin de l’APHP via un dispositif d’appel à bénévoles.

L’objectif de l’AP-HP est de casser la chaîne de transmission du virus le plus rapidement possible. Les Hôpitaux de Paris ont subi un double choc : d’abord la vague importante de malades atteints de la Covid-19 qui est arrivée très rapidement, puis un choc plus psychologique, qui a été de ne voir que des malades et aucune guérison. Dès que les patients allaient mieux, ils étaient transférés en régions pour faire de la place aux autres patients.

Quelle est la vocation des associations IMHOTEP et COVISAN que vous avez rejointes ?

J’ai effectivement d’abord apporté mon aide à l’association IMOTHEP, qui œuvre pour la communication et la sensibilisation dans le domaine de la santé. Il s’agit de l’initiative d’une jeune médecin, qui a créé l’association en 2018 pour fédérer les gens autour d’un combat contre les fake news afin de rendre les messages de santé accessibles au plus grand nombre. Cette association a pour vocation de changer le regard que l’on porte sur la santé au quotidien en démocratisant et vulgarisant les informations et les bonnes pratiques.

COVISAN est une réponse d’urgence à la crise, un dispositif déployé par l’AP-HP, qui a débuté fin avril 2020. Il permet des briser la chaîne de transmission du virus localement, au sein des foyers, par le repérage et le suivi des personnes contaminantes et la mise en place de solutions concrètes pour proposer un isolement de ces personnes, les inciter à se confiner ailleurs que dans leur domicile, soit par l’hospitalisation pour les cas graves, soit en les accueillant dans les hôtels de Paris gratuitement.

Imhotep

Concrètement quelles actions avez-vous pu mener pendant cette période de confinement ?

Dans un premier temps, au sein d’IMOTHEP j’ai rejoint le bureau pour retravailler sa stratégie et trouver les bons axes de communication à développer.

Puis avec COVISAN, j’ai intégré une équipe de 11 bénévoles d’horizon différents. Exit la vie de bureau, les stratégies à long terme… avec cette association, j’ai mis les mains dans le cambouis ! J’ai pu partager le quotidien de personnes que l’on a tendance à oublier dans notre vie de tous les jours. Nous tournions sur des demiesjournées sur les sites d’accueil des patients volontaires. J’ai désinfecté des meubles, des surfaces, des poignées de portes, j’ai distribué des plateaux repas, géré les stocks, accueilli les nouveaux arrivants. On s’occupe de tout ce qui a trait à la logistique, l’accueil et la relation humaine. C’est très important l’aspect humain parce que ceux qui sont là ont aussi simplement besoin de parler. Nous les rassurons, leur apportons des réponses, finalement nous sommes les seules personnes avec qui les patients peuvent parler de visu.

Grâce à l’application COVIDOM, un des dispositifs développés en urgence par l’AP-HP, nous pouvons assurer un suivi précis de l’état des patients.

 

Comment vous êtes-vous organisée pour parvenir à cumuler les deux casquettes chez Bouygues Immobilier et à l’AP-HP ?

J’ai toujours eu une vie assez remplie. Avant le confinement je m’entraînais 10h par semaine pour des trails en alpinisme. En confinement c’était impossible. C’est ce temps et celui que je passais au restaurant, avec des amis ou autre occupation que j’ai pu réinvestir dans le bénévolat.

 

Quels sont les épreuves que vous avez eu à relever sur ce projet de bénévolat ?

Des épreuves ? Non pas vraiment, j’ai fait ça en toute conscience. J’ai pénétré un univers que je ne connaissais pas : un univers de sites contaminés, où les gestes barrières sont primordiaux. Au contraire, c’est une ouverture pour moi. Avec la Réserve Civique et les appels à solidarité, nous nous apercevons que chacun peut, à son échelle faire un petit geste pour se rendre compte de la situation, ne plus la subir. Je vis cela comme une expérience enrichissante et positive qui permet de replacer la notion d’utilité au quotidien.

Cela impacte même le rapport à mon travail au jour le jour. Depuis toujours, j’ai orienté mes choix professionnels vers l’innovation environnementale et solidaire, mais avec des événements comme comme cette crise sanitaire que nous traversons, je m’interroge. Est-ce qu’aujourd’hui les projets que je conçois vont répondre aux enjeux des crises que l’on vit ? Sont-ils adaptés aux crises à venir que nous ignorons encore ? Quels sont les dispositifs que nous ne connaissons pas pour répondre aux virus que l’on ne connaît pas ? Je pense qu’il faut replacer nos métiers dans une organisation plus globale. Cela rejoint le principe de la transition écologique et solidaire.

 

Quels sont les accomplissements dont vous êtes la plus fière ?

Plus que de la fierté, c’est de la joie que je ressens quand, par exemple, je découvre un petit mot de remerciement qu’un patient m’a laissé la veille. Cette reconnaissance, j’ai pu la ressentir aussi chez mes amies et cousines infirmières à qui j’ai fait livrer des masques et blouses via protegetonsoignant (une autre initiative fondée par des pointures de l’innovation, de l’entreprise digitale et de la collecte de fonds). C’est génial de voir que l’on peut aider à notre échelle !

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Est-ce qu’aujourd’hui les projets que je conçois vont répondre aux enjeux des crises que l’on vit ? Sont-ils adaptés aux crises à venir que nous ignorons encore ?

Covisan

A présent, nous déconfinons et vous êtes engagée au sein de l’équipe de COVISAN, allez-vous poursuivre votre engagement sur le long terme, après la crise ?

Oui je vais maintenir mon engagement auprès de IMOTHEP. COVISAN, elle, n’a pas pour vocation de poursuivre sa mission sur la base du bénévolat. L’association s’est développée dans l’urgence et a trouvé un mode d’organisation temporaire mais l’objectif est de débloquer des ressources pérennes pour transformer la dizaine de bénévoles actuelle en deux ou trois emplois stables.

 

Merci Anna pour vos réponses et bravo pour votre bel investissement humain !