Bruce Ribay

Pour une éco-conception de A à Z

 

Né de l’envie de faire la différence, NOMA est un éditeur français de mobilier et d’objets de haute qualité, imaginés par des designers de renom et fabriqués à partir de matières recyclées et biosourcées.

Après un temps de réflexion, Bruce Ribay, architecte, et Guillaume Galloy, ingénieur, fondent leur propre maison d’édition de mobilier responsable, fabriqué essentiellement à partir de matériaux recyclés et biosourcés. Au cœur de la démarche de NOMA Editions, l’éco-conception de A à Z.

Le but : transformer les déchets en belles choses avec la conviction que le beau est le plus puissant vecteur de changement et que les matières recyclées sont les plus nobles des matières.

Il nous raconte la naissance et le développement de NOMA Editions, premier éditeur de meubles éco-conçus fabriqués en France.

Bonjour Bruce,

 

Racontez-nous la genèse de NOMA Editions ?

 

NOMA est née de l’envie et de l’ambition de proposer une offre de mobilier conçue différemment de tout ce qui a été fait depuis 50 ans.

 

Mon associé, Guillaume Galloy, est ingénieur de formation et je suis, quant à moi, architecte. Nous nous sommes connus lorsque nous travaillions pour LVMH, il y a une vingtaine d’années. Nous y avons développé le concept magasin pour Louis Vuitton. Cela m’a ensuite permis de proposer mon expertise pour énormément de marques.

 

Créer NOMA nous a permis d’allier cette expertise du développement du mobilier haut de gamme, avec des valeurs que nous trouvions essentielles, c’est-à-dire l’obligation de réfléchir aux impacts de notre mobilier sur l’environnement. Nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait aucune offre proposant du mobilier haut de gamme intégrant véritablement ces critères.

 

Il y en a sur de l’entrée de gamme mais cela reste très connoté stylistiquement. Nous nous sommes alors demandé pourquoi il n’y avait pas d’offre proposant des produits bien dessinés et désirables, tout en utilisant ce que l’on trouve dans nos poubelles.

Nous avons creusé en ce sens : quelles matières issues des déchets ou du recyclage pouvons-nous trouver, comment les valoriser ? Au fil de nos recherches, nous avons découvert des matières assez étonnantes. De fil en aiguille, nous nous sommes créé une grande matériauthèque. Aujourd’hui, nous avons probablement la plus grosse matériauthèque de matériaux recyclés en France sur tout type de matières, provenant de la très grande majorité d’Europe : plastique, papier, bois, métal, tissus, écaille de poissons, etc.

 

En tirant ce fil, nous avons été convaincus de deux choses : la désirabilité est un des leviers clés pour que les consommateurs changent de comportement, et l’éco-conception est indispensable pour pouvoir proposer ce genre d’offre.

 

Sur ce deuxième point, nous avons à cœur de rester très transparents sur ce que l’on fait pour éviter de tomber dans le greenwashing. Ainsi, il est possible de savoir ce que l’on fait, comment on le fait et pourquoi on le fait.

 

Le design et l’écoconception sont aujourd’hui les deux piliers de NOMA.

 

 

Pourquoi ce nom ?

 

NOMA, c’est la contraction de Noble Matière car nous considérons que les déchets sont la plus noble des matières.

 

Derrière ce nom, c’est surtout la volonté de changer le regard sur les matériaux recyclés ou sur les déchets. En effet, lorsque nous sommes en salon ou en évènement, les visiteurs viennent nous voir d’abord parce que les produits sont beaux et bien dessinés.

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Le beau est un puissant vecteur de changement

Et c’est seulement ensuite que nous leur expliquons que la chaise sur laquelle ils sont assis est fabriquée en pots de yahourt, sans résine et sans colle. C’est une manière très forte d’appréhender le sujet. Selon nous, c’est plus fort d’aborder la problématique dans ce sens plutôt que dans le sens inverse, à savoir : comprendre que c’est du déchet avant de se rendre compte de l’esthétisme de l’objet.

 

Quels sont les processus de conception et de fabrication du mobilier NOMA ?

 

Quand nous développons un nouveau produit, nous faisons d’abord un brief en interne. Nous allons principalement réfléchir aux usages pour répondre au « pourquoi ? ». En effet, nous pourrions développer des éléments jolis qui n’ont pas de grande utilité, mais ce n’est pas l’idée. Nous concevons avec l’envie de répondre aux besoins du marché. C’est pour cette raison que notre gramme propose des fauteuils, des chaises, des tables et d’autres objets dont les usages sont les plus utiles, les plus commercialisés.

 

Nous allons donc travailler sur un brief fonctionnel avant de contacter un designer à qui nous allons présenter le projet et proposer de nous accompagner sur son développement. Un fois le designer validé, nous échangeons avec lui sur le brief, nous lui ouvrons la matériauthèque et la lui présentons. Nous pouvons potentiellement le former sur l’éco-conception et une fois les dessins commencés, nous travaillons très rapidement avec le cabinet externe Coopérative MU, expert dans l’éco-conception. Ce dernier fera des analyses du cycle de vie des projets et en fonction des résultats, nous allons modifier le design pour avoir le moins d’impact possible sur l’environnement.

 

En général, nous travaillons également avec un industriel qui va fabriquer le produit. Nous l’incluons très vite dans cette boucle pour comprendre avec lui comment optimiser la production et l’utilisation des matières. Nous aimons dire que nous travaillons à huit mains sur chaque projet celles des designers, de l’agence d’éco-conception, du fabricant et les nôtres.

 

Il faut savoir que 80 % des impacts d’un produit sur l’environnement se créent au moment de sa conception. Donc si nous ne mesurons pas les impacts potentiels du trait, de la forme, du poids, etc. nous ne pourrons plus changer leurs impacts derrière. Pour cela, il faut avoir les gens capables de les analyser et ceux capables de fabriquer en fonction de ces critères.

 

Aussi, nous choisissons nos matériaux en prenant en compte les matières recyclées qui les composent (nous n’allons pas en dessous des 50 %), leur recyclabilité, leur prix, leur capacité de transformation, leur capacité à être adapté pour du mobilier ou de l’objet. Afin d’avoir un impact sur le marché, nous souhaitons proposer des objets en série, nous regardons donc également le niveau de maturité de la matière.

 

Nous sommes une maison d’édition donc le chef d’orchestre d’un écosystème composé de designers, fabricants, fournisseurs de matières et d’autres services.

 

Vous travaillez avec de grands noms du design. Comment choisissez-vous vos collaborations ?

 

Nous les choisissons selon plusieurs critères. D’abord, nous nous assurons que leur style puisse correspondre à notre direction artistique. Ensuite, cela dépend du moment et des produits que l’on développe ou non, de leurs usages, etc. Nous allons principalement chercher des designers ayant déjà fait des choses similaires ou bien des personnes qui vont challenger l’approche.

L’idée originelle n’était pas de travailler avec des designers très connus, mais avec des designers français ayant déjà de l’expérience. Par ailleurs, plusieurs designers avec qui nous travaillons sont des architectes, cela permet d’avoir une vision un peu différente sur le travail de l’usage.

 

Vous dîtes souvent que « le beau est un puissant vecteur de changement ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette conviction ?

 

Nous sommes persuadés que la désirabilité est l’un des leviers clés pour que les consommateurs changent de comportement. Le désirable et le beau sont un vrai vecteur de changement, et ce, beaucoup plus que le côté écologique.

C’est la désirabilité qui va faire prendre conscience que nous pouvons faire comme avant mais en mieux. Nous pouvons avoir un canapé toujours aussi confortable, bien dessiné avec d’aussi beaux détails et finitions tout en y mettant plus de 40 % de matières recyclées. Nous pouvons proposer des chaises très bien dessinées, empilables, recyclables, démontables avec 95 % de matières recyclées. Pour nous, c’est important car nous n’allons vraisemblablement pas acheter un meuble s’il est moche ! L’entrée par la désirabilité était donc clé.

 

Quels sont vos rêves et/ou objectifs pour NOMA dans le futur ?

 

Nous sommes fiers de dire que NOMA a été pionner sur ce marché. Cela nous offre des opportunités, comme celle de créer un collectif qui s’appelle LIFe (Low Impact Furniture) avec quatre autres marques qui partagent la même démarche que nous sur différentes gammes.

Notre rêve aujourd’hui, c’est que NOMA continue de rester à l’avant-garde du mobilier responsable de qualité. C’est ce qu’on met en œuvre tous les jours. Nous voulons continuer de pouvoir aménager les espaces dans le tertiaire en proposant une offre en lien avec la qualité d’aménagement mais également avec les engagements RSE des entreprises.

Nous souhaitons simplement continuer de développer des collections en y mettant toujours les mêmes critères vertueux : garder notre ligne sur le désirable et le durable.

 

Un grand merci pour vos réponses Bruce !