Hakim Baka
Promouvoir le don d’objets et lutter contre le gaspillage
Chaque année en France, 9 millions de tonnes d’objets encore utilisables sont jetés par les foyers et le montant des invendus non alimentaires s’élève à 4 milliards d’euros. Face à ce gaspillage, Hakim Baka et Florian Blanc ont lancé Geev, une application qui s’est imposée comme leader de dons d’objets et de nourriture entre particuliers. Geev comptabilise désormais plus de 7 millions d’utilisateurs et 60 millions d’objets donnés.
En digitalisant et valorisant l’action de donner, Geev a pour vocation de faire du réemploi un réflexe ancré dans les habitudes des Français.
Bonjour Hakim,
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour lancer Geev ?
Ce qui nous a poussé à créer Geev n’est pas une inspiration mais un problème à résoudre. Nous voulions nous attaquer à un phénomène que nous constations au quotidien : le gaspillage des objets. Ce gaspillage, cumulé à l’échelle d’une société, est gigantesque !
En 2015, la vente d’occasion était déjà bien installée : en ligne, via des sites comme Leboncoin ou sur les vide-greniers. Mais il existe un vide lorsque les objets ne parviennent pas à être revendus : les objets restent stockés, prennent la poussière ou finissent à la poubelle. Le problème ne relève pas d’un simple cadre, mais d’une logique d’efficacité : les cercles familiers comme les associations ne suffisent plus face à ce flux d’objets non revendus.
Nous avons donc voulu répondre à cette envie de donner, très présente, mais freinée par un manque de simplicité. Il n’existait pas d’outil digital qui facilite vraiment le don. Alors, en s’inspirant des marketplaces de l’époque, nous avons créé Geev, une application simple et locale qui permet de donner un objet de la main à la main dans un environnement cadré.
Comment cette initiative encourage-t-elle la culture du don entre particuliers ? Quels avantages offre-t-elle aux utilisateurs ?
La culture du don existe déjà dans le cœur de chacun : beaucoup de gens ont envie de donner des objets. C’est une valeur profondément humaine. Cependant, nos emplois du temps sont chargés et contraints. Notre rôle est donc de rapprocher cette envie de donner de la réalité du quotidien.
Geev est avant tout un facilitateur, pas un stimulateur. Nous aidons les personnes à passer à l’action, à concrétiser une envie déjà présente, sans que cela demande trop de temps ou d’énergie. Nous pouvons proposer une analogie avec le sport : tout le monde veut être en bonne santé, mais peu d’entre nous ont envie d’aller courir tous les jours. Notre travail est ainsi de réduire cette zone d’effort pour rendre le don plus accessible au plus grand nombre.
Une autre dimension est très importante : la confiance. Sur Internet, la gratuité suscite la méfiance. Quand un objet est affiché « gratuit », le réflexe est de penser à un piège, d’où la nécessité d’un cadre de confiance pour le don.
Contrairement à la situation d’une transaction commerciale où l’acheteur a le pouvoir, avec Geev nous mettons le donneur au centre de tout. C’est donc lui que nous cherchons à protéger et à accompagner, avec une interface claire, simple, et sécurisée. L’expérience du Geever doit être fluide et rassurante, tout comme celle de la personne qui récupère. C’est ce qui permet au don d’être réalisé dans les meilleures conditions.
L’application va-t-elle étendre sa contribution à la promotion de l’économie circulaire et du réemploi en France ?
Oui, évidemment. Geev devient de plus en plus grand public, et notre communauté de « Geevers » grandit chaque année. Nous faisons passer de plus en plus de personnes à l’action. Même si tous n’ont pas forcément conscience de participer à l’économie circulaire, l’essentiel est que les gestes vertueux deviennent naturels, des réflexes comme le tri des déchets aujourd’hui. Quand nous en serons là, nous aurons gagné notre pari.
Quel sera le prochain chapitre de l’histoire Geev ?
Il s’agit d’une question difficile ! Notre secteur dépend de beaucoup de facteurs. Aujourd’hui, nous répondons à deux grands enjeux : la consommation responsable et le pouvoir d’achat. Certains donnent pour aider, d’autres récupèrent parce qu’ils ont moins de moyens. Nous agissons donc à la croisée de deux problématiques sociales fortes.
L’avenir du don est infini : les gens continueront toujours à donner, à être solidaires. En revanche, nos formes d’action doivent évoluer. Nous sommes très digitaux, mais nous commençons aussi à travailler dans le monde physique. À terme, nous pourrions imaginer une centaine de lieux Geev : des espaces où les gens pourraient venir donner et récupérer gratuitement.
Pourquoi pas également nous étendre à l’international ! Le don existe partout. Il est universel. A l’étranger, il reste toutefois souvent artisanal, associatif ou limité à des communautés locales. Il n’existe pas encore d’équivalent structuré à Geev. Professionnaliser le don à grande échelle, ce serait un beau défi.
Mais ce qui compte avant tout est de rester capable d’évoluer, de nous adapter aux usages, aux générations et aux technologies. Le monde change très vite et il est difficile de se projeter dans deux ans ou plus…
Merci pour ces réponses !