Marius Hamelot
A chaque déchet, une application dans le secteur du bâtiment
Alors diplômé de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles, Marius Hamelot a la volonté d’agir face aux problématiques environnementales. Avec deux camarades de classe, Barthélémy et Clément, il invente le Pavé®, premier matériau composé à 100 % de déchets plastiques récupérés dans la nature et les océans.
L’objectif ? Arrêter de déplacer le problème de la pollution plastique en en créant de nouveaux et trouver une réelle solution pour réduire notre volume de déchets plastiques et par conséquent notre impact sur l’environnement. Grâce au Pavé®, le déchet plastique devient une ressource, disparaît dans un matériau utile ayant déjà trouvé de multiples applications et réduit, par là même, la pression qui serait porté sur d’autres ressources matériaux.
Co-fondateur de Sasminimum, Marius Hamelot répond à nos questions, partage sa vision et nous fait part des futures ambitions de la société !
Bonjour Marius,
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Je suis architecte de formation mais je n’ai jamais pratiqué en tant qu’architecte, le projet Le Pavé® ayant été créé pendant mes études. Durant ces années à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles, j’ai eu l’opportunité de partir un an en Suède. Ce voyage m’a énormément sensibilisé au développement durable.
J’ai ensuite poursuivi mon expérience internationale en tant que stagiaire dans l’agence d’architecture OMA à Rotterdam, aux Pays-Bas. Là-bas, j’ai eu l’opportunité de travailler sur un grand projet faisant écho à ce que j’avais découvert en Suède en termes de développement durable. Ces expériences à l’étranger m’ont permis de découvrir les prémisses d’une architecture durable. De là a découlé mon ambition de proposer quelque chose de différent dans le secteur de l’architecture.
A mon retour, j’ai travaillé sur un projet avec mes camarades Clément et Barthélémy. Ce projet nous a permis de réfléchir à une problématique particulière pour ensuite créer Le Pavé®.
(c) Clémence Louise Biau
Comment l’idée Le Pavé® est-elle née ?
Le premier constat que nous avons fait est lié à la manière dont on construit et son panel de choix quant aux matériaux disponibles. Deuxième constat : il existe une nécessité toujours plus prégnante de prendre en compte les enjeux de développement durable, d’écologie, d’éco-conception dans les constructions. Le problème soulevé est que nous avons accès aux mêmes outils, et par outils j’entends des matériaux comme le béton, le métal, le bois, le placo, etc., depuis 50 ans. Finalement, ce constat a mis en exergue une problématique : « Si le béton était le matériau du XXe siècle, quel serait le matériau du XXIe siècle face à toutes les problématiques que nous rencontrons ? ».
De cette question très ouverte, nous avons commencé à expérimenter et à retourner à l’essence même de la matière pour comprendre ce que pouvait être une matière locale, qui ait du sens et qui puisse être un réel outil pour répondre aux enjeux de conception et surtout de développement durable.
(c) Sasminimum
Comptoir d'accueil FGO Barbara - (c) Sasminimum
Pourquoi avoir choisi le plastique ?
Au départ, nous avons commencé d’une manière très naïve et nous pensions que la problématique du plastique n’était vraie que dans certains pays où les systèmes de collecte et de tri n’étaient pas mis en place. Rapidement, nous nous sommes rendu compte que c’était également le cas en France. C’est hallucinant de constater que 70 % des déchets plastiques finissent enfouis ou incinérés.
Chez Sasminimum, nous avons mis en place un réseau d’une quarantaine de recycleurs, de PME, d’industriels et d’associations spécialisés dans les déchets, avec lesquels nous échangeons quotidiennement. Cela nous permet d’identifier et de caractériser les gisements et d’adresser des solutions qualitatives et soutenables.
Comment Le Pavé® et Sasminimum de manière plus générale, s’inscrivent dans une démarche d’économie sociale et solidaire ?
Nous nous inscrivons dans une démarche d’ESS via deux spectres. D’abord, sur la manière dont on mène le projet : nous essayons de créer de la valeur sociale et environnementale au sein de notre activité. Cela passe par l’ancrage local, la manière dont nous allons interagir avec nos partenaires. Aujourd’hui, 100 % de nos partenaires sont en France.
Ensuite, nous nous inscrivons également dans une démarche d’économie sociale et solidaire via la démarche même de notre projet qui consiste à essayer de sourcer des matières de plus en plus impactantes d’un point de vue environnemental, des matières qui vont poser énormément de soucis au niveau de leur recyclabilité et de leur débouché.
C’est par ces deux biais que nous voyons notre valeur ajoutée dans le tissu sociale et économique. Nous veillons à ne jamais oublier le sens et l’usage, autant que l’aspect social et environnemental.
Pour vous, quelle est la place de l’architecture face aux problématiques des déchets ?
Ce qui est intéressant, c’est que nous avons la possibilité d’avoir une vision transverse. J’ai l’impression qu’être architecte nous oblige à discuter des enjeux techniques mais également des enjeux liés la création.
Chaque jour, nous échangeons autant avec des designers qui travaillent dans le luxe qu’avec des personnes qui vont recycler des déchets. Finalement le déchet est une notion très abstraite, qui parle d’échelle de temps, d’espace, de matière… et tout ça ressemble vraiment à de l’architecture finalement.
Je pense qu’essayer de pratiquer l’architecture va de pair avec la prise en compte d’un certain nombre de paramètres dans une échelle de temps qui est longue. Cela nous oblige à prendre en compte un nombre de facteurs tout aussi importants et différents les uns des autres. L’architecture est synonyme de « chercher des réponses à différents endroits » pour ensuite trouver un mélange cohérent de réponses aux différents enjeux.
En tant qu’architecte, c’est génial d’avoir la possibilité de réfléchir à ce genre de problématique.
Vous souhaitez changer le rapport qu’ont les personnes aux déchets, avez-vous pour projet de valoriser un autre matériau dans le futur ?
Notre objectif est de devenir expert dans la transformation de déchets en panneau de construction.
Aujourd’hui, après 3 ans de R&D, nous avons sorti notre premier projet qui est Le Pavé®, un matériau fabriqué à partir de déchets plastiques. Notre ambition est de pouvoir proposer un panel beaucoup plus large d’applications, de plaque et de matériaux, pour pouvoir adresser l’ensemble du secteur du bâtiment. Je pense notamment à des applications comme les bardages, les sols, les revêtements de mur, etc. les possibilités sont quasiment infinies ! Nous sommes persuadés que pour chaque déchet, il existe une application dans le secteur du bâtiment. Dans ce cadre, nous travaillons actuellement sur des déchets qui sont des dérivés de différents plastiques. Nous allons également travailler sur d’autres déchets complètement différents, comme les déchets végétaux, papiers, cartons, etc.
Merci Marius pour ces réponses !
(c) Clémence Louise Biau